Les enjeux de la lutte contre les désordres de l’information en 2025

Plus fort ensemble. Ces derniers mois, plusieurs projets de collaboration ont émergé, illustrant la dynamique collective dans le domaine de la lutte contre les désordres de l’information. Parmi eux, la Plateforme africaine des fact checkeurs francophones, la PAFF, qui a rejoint ODIL en mai dernier, regroupe 10 organisations de vérification de faits d’Afrique subsaharienne. La collaboration est également au cœur des appels à projets des initiatives de jumelage entre les projets francophones de l’OIF. Les lauréates et lauréats seront prochainement dévoilés. L’éducation aux médias et à l’information (EMI) n’est pas en reste avec la création, en octobre 2024, du premier réseau francophone d’éducation aux médias et à l’information, le REFEMI, réunissant des acteurs de Belgique, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, de France, du Québec, du Sénégal et de Suisse. Par ailleurs, le Centre international pour les journalistes et Code4Africa ont annoncé la création d’une organisation commune, ICFJ +, le 9 décembre. Enfin, les chefs d’État et de gouvernement de la francophonie ont lancé, lors du dernier Sommet de la francophonie, depuis Villers-Cotterêts, un appel historique aux plateformes pour un espace numérique francophone intégré, libre et sûr. ODIL y est citée par deux fois.

Continuer à se rapprocher des publics. Valdez Onanina d’Africa Check à Dakar préconise dans cette récente formation pour ODIL le crowdsourcing, encourageant les rédactions à permettre à leurs publics de soumettre des idées et suggestions de sujets. Cela correspond aux recommandations du Membership Puzzle Project, dont la version en français est disponible ici. Cet article signé de Damian Radcliffe pour IJNet en français est plein de conseils pour mettre en place un journalisme centré sur la communauté.

Réinventer les formats. L’infolettre —reine du lien avec les publics— fait son retour. On vous conseille ici les infolettres à suivre pour réaliser votre veille du secteur de la lutte contre la désinformation. Parallèlement, les podcasts sont en pleine évolution, notamment avec de plus en plus de balados filmés, comme le montre le classement de Spotify (les trois premiers du classement sont disponibles en version filmée). Ces podcasts permettent également d’extraire de courtes vidéos, très utiles pour les réseaux sociaux. Le membre d’ODIL, Benbere, spécialiste de la vérification de faits au Mali, a d’ailleurs lancé ce format de podcast filmé récemment.

Ne pas tout miser sur les outils (d’IA générative). Bien que les outils d’IA générative soient utiles (vous trouverez ici une formation complète de Gérald Holubowicz pour ODIL sur le sujet), ils ne doivent pas devenir une fin en soi. Comme l’a rappelé Valdez Onanina lors de sa récente formation pour ODIL, ces outils doivent s’intégrer dans un processus de vérification qui reste centré sur les recoupements et les vérifications traditionnelles. À propos de l’IA, nous avons reçu le chercheur Marc Faddoul, directeur et cofondateur d’AI Forensics, une ONG européenne experte dans l’analyse les effets de l’intelligence artificielle, dans ODIL Le Podcast, pour discuter des risques liés à l’utilisation de l’IA dans les campagnes électorales. Nous avons également proposé une vidéo explicative sur les deepfakes, disponible dans notre centre de ressources.

Ne pas oublier les sujets insuffisamment traités, comme l’environnement. Avec les récentes catastrophes climatiques, telles que les inondations en Espagne et les incendies à Los Angeles, la désinformation s’est propagée sur les réseaux sociaux. Par exemple, une image prétendant montrer les lettres de Hollywood en feu s’est avérée être générée par l’IA. Un article de Romain Chauvet pour La Revue des Médias revient sur la désinformation en Espagne durant les inondations à Valence et sa région. Dans notre infolettre, Lu, nous vous partageons régulièrement des formations pour vous aider à couvrir ces sujets, comme récemment avec l’Agence Science Presse, membre d’ODIL, et son atelier pour aider à décrypter l’information scientifique.

Placer la santé mentale au premier plan. La santé mentale des journalistes et des vérificatrices et vérificateurs de faits est un sujet essentiel. Ils sont confrontés quotidiennement à des images traumatisantes, ce qui impacte inévitablement leur bien-être. Les violences en ligne subies par les journalistes constituent également un facteur de stress majeur, pouvant les pousser à quitter leur profession. La journaliste belge Florence Hainaut a partagé, dans un épisode d’ODIL Le Podcast, son expérience face à ces violences. La Fondation Hirondelle a récemment publié une interview avec d’Elana Newman, directrice de recherche au Dart Center sur le journalisme et les traumatismes. Nous vous avons également recommandé de visionner le documentaire Emprise numérique, 5 femmes contre les Big 5.

Les opérations de désinformation massives et coordonnées, un défi constant. L’Opération Overload a été mise à jour par CheckFirst (qui met en place le projet ODIL pour l’OIF). Il s’agit d’une vaste opération de désinformation, consistant à inonder les journalistes de notifications pour vérifier des faits sur les réseaux sociaux et par courriels. Ces notifications appellent à une vérification de faits, mais fausse. Par ailleurs, les tentatives d’ingérence étrangère dans les processus électoraux, comme l’annulation du scrutin présidentiel en Roumanie en décembre dernier, méritent une attention particulière.

L’importance de la régulation. Les récentes déclarations de Mark Zuckerberg, patron de Meta, ont suscité une onde de choc au-delà de la communauté des fact checkers. La fin des partenariats de vérification de faits aux États-Unis chez Meta entraîne des inquiétudes au niveau mondial, illustrées par la lettre ouverte de l’IFCN. L’annulation historique des élections en Roumanie, sur fond de soupçons d’ingérence étrangère sur les réseaux sociaux, souligne la nécessité d’une régulation des plateformes. En Europe, le règlement sur les services numériques (DSA) définit un cadre et impose des obligations aux plateformes en matière de modération des contenus et de transparence publicitaire. Qu’en est-il du reste de l’espace francophone ? Vincent Couronne, docteur en droit et directeur de la publication des Surligneurs, propose dans un épisode d’ODIL Le Podcast des pistes pour établir un cadre de régulation en Afrique subsaharienne.

Des moyens locaux pour des enjeux globaux. Le projet RadioCheck Togo illustre parfaitement comment une réponse locale peut s’attaquer à un enjeu global, la désinformation. Mis en œuvre par Coaweb/TogoCheck avec l’appui de CFI, ce projet accompagne les radios locales des trois régions septentrionales du Togo pour l’adaptation de leurs contenus en langues locales et la production des émissions de sensibilisation à la désinformation. De son côté, Frédéric Alinabo Namegabe de Balobaki Check (République démocratique du Congo) a rappelé lors de la conférence EU DisinfoLab en octobre dernier l’importance d’adapter les contenus aux audiences, notamment via les radios communautaires et les influenceurs. L’expertise de plusieurs initiatives membres d’ODIL en matière d’accessibilité des publics en langues locales a été mise en avant dans un article d’IJNet en français.

L’EMI se réinvente. De nouveaux formats en matière d’éducation aux médias et à l’information ont fait leur apparition récemment, comme le Newstruck en France. Un camion et des journalistes qui se déplacent et vont à la rencontre des publics, dans lieux aussi variés que le parvis d’une gare, une aire d’autoroute ou un centre commercial. Cet EMI de rue, au plus près des publics, est d’ailleurs au cœur de cette formation pour ODIL, donnée par Sammy Mupfuni de CongoCheck.

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Photo : Yolanda Suen via Unsplash