Les enjeux de la lutte contre les désordres de l’information en 2024

Comment garantir l’intégrité de l’information, dans un contexte de polarisation grandissante des sociétés ? Comment répondre aux incertitudes liées à l’intelligence artificielle générative ? Ces sujets majeurs de l’année écoulée et à venir ont été évoqués par nos trois invités du dernier épisode d’ODIL Le Podcast :

• Carole Alsharabati est directrice de recherche chez Siren Associates et DALIL, une plateforme automatisée de vérification de faits dans la région Afrique du Nord et Moyen-Orient.
• Bertrand Levant est chef de projet Lutte contre la désinformation au sein de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF),
• Sandra Petrovic est associée de projet au Centre pour le dialogue humanitaire, qui œuvre à la prévention des conflits armés grâce à la diplomatie discrète.

Tous ont participé au dernier Forum de Paris sur la Paix à Paris en novembre dernier, qui rassemble chaque année dirigeants, responsables d’organisations, activitistes.

Dans le sillage de cet événement international, Carole Alsharabati met l’accent sur la nécessité impérieuse de réguler, soulignant le rôle crucial de la technologie dans la lutte contre la désinformation : « J’ai vu la lenteur dans les procédures régulatrices des institutions, d’où l’importance de venir d’un point de vue technique, technologique, mais aussi de soutenir le support de l’information dans le sens de la contribution à la démocratie et aux valeurs démocratiques », a-t-elle expliqué à propos de sa participation au Forum de la Paix.

Sandra Petrovic accentue de son côté l’importance de rassembler tous les acteurs pour combattre efficacement la désinformation : « Nous, comme ONG, on ne peut pas combattre la désinformation. Il faut vraiment un travail avec les organisations des sociétés civiles, avec les plateformes et beaucoup d’autres acteurs ». Sandra Petrovic détaille les efforts du Centre pour le dialogue humanitaire dans des pays tels que la Thaïlande et la Bosnie-Herzégovine, utilisant la médiation et l’intelligence artificielle pour minimiser l’impact de la désinformation. L’associée de projet mentionne l’importance de lutter contre la désinformation à différentes étapes de la disinformation supply chain, de la production à la consommation.

De son côté, Bertrand Levant de l’OIF analyse l’état de notre monde, « on revient à des formes conventionnelles de conflits, doublés de menaces hybrides, avec la désinformation », tout en amenant une note d’espoir au travers de « l’extrême dynamisme de la jeunesse, notamment francophone, qui souhaite s’investir sur des questions de lutte contre la désinformation ».

L’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI), plus que jamais nécessaire

La discussion s’étend à l’EMI, soulignant son rôle crucial dans la lutte contre la désinformation. Les invités insistent sur le besoin d’impliquer les citoyens, de développer leur esprit critique et de les outiller pour vérifier l’information. Bertrand Levant précise que l’éducation aux médias est l’une des recommandations-clefs d’un rapport sur la lutte contre la désinformation dans l’espace francophone.

« Il faut garder en tête que le fait de renforcer le développement de l’esprit critique des citoyens, le fait de rassembler les acteurs politiques et les amener à essayer d’adopter des comportements vertueux dans l’usage des réseaux sociaux à des fins de communication politique, tous ces éléments-là préservent d’une certaine manière les droits fondamentaux ».

Bertrand Levant

L’intelligence artificielle, entre risques et espoirs

L’intelligence artificielle générative, capable d’automatiser la création de désinformation à grande échelle comporte des risques évidents. Sandra Petrovic souligne les préoccupations liées à l’IA générative, notamment son potentiel à encourager la division et à démocratiser la désinformation. Carole Alsharabati évoque l’importance de la réflexion critique et des valeurs humaines dans l’utilisation de l’IA. Elle rapelle que la technologie évolue en fonction de nos pratiques humaines et que la clef d’un futur positif en la matière réside dans la capacité à orienter son développement dans une direction éthique. Elle poursuit en expliquant qu’une révolution dans les formations académiques est nécessaire. Les ingénieurs en IA doivent acquérir une compréhension approfondie des impacts sociaux, éthiques et politiques de leurs créations.

Bertrand Levant met en avant l’importance de la régulation et des débats mondiaux sur l’IA, soulignant les efforts de l’OIF pour intégrer des principes éthiques, la promotion des droits de l’homme et la diversité culturelle dans le développement technologique.

Enfin, malgré les défis liés à l’IA générative et à aux désordres de l’information, les participants voient des opportunités de changement grâce à la réflexion critique, l’éducation, la coopération internationale et l’implication croissante de la jeunesse.