Entretien

Bertrand Levant, chef de projet « lutte contre la désinformation » à l’OIF

Un entretien enregistré le 16 décembre 2021, publié le mercredi 29 décembre 2021

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Ce dernier épisode de la première saison d’ODIL, le podcast accueille Bertrand Levant qui est, parmi d’autres, derrière l’existence d’ODIL. Au delà de la création de la plateforme, l’OIF a fait de la lutte contre la désinformation un projet à part entière et se veut ressource des initiatives francophones qui oeuvrent en ce sens.

Bertrand Levant est chef de projet « lutte contre la désinformation » à l’Organisation Internationale de la Francophonie. Avec la crise sanitaire et l’infodémie qui l’a accompagnée, l’OIF a mis en place diverses actions et projets pour soutenir la lutte contre la désinformation dans l’espace francophone.

ODIL fait partie intégrante de cette démarche. La plateforme a pour vocation à rassembler, valoriser et créer du lien entre les initiatives francophones de lutte contre la désinformation. Le résultat espéré ? Un échange d’expérience, d’expertises et un accroissement des compétences pour des initiatives aussi diverses que complémentaires.

L’OIF comprend 88 États et gouvernements membres. Dans chacun de ces pays ou entités, la lutte contre la désinformation revêt des formes diverses pour se confronter à des réalités tout aussi différentes. Il s’agit alors de s’adapter, d’apporter un soutien là où le bât blesse puisqu’une généralisation des appuis n’est pas possible dans un contexte aussi varié.

Le projet « lutte contre la désinformation » de l’OIF promet de continuer à grandir en 2022, notamment au travers de formations à destinations des entités de lutte contre la désinformation, ainsi qu’un renforcement des projets d’éducation aux médias et à l’information au niveau local.


Nelly : Bonjour à tous, bonjour à toutes, bienvenue dans ce dernier épisode de cette série Odil, le Podcast. Pour ce dernier épisode, nous avons le plaisir de recevoir Bertrand Levant qui est chef du projet «  lutte contre la désinformation » à l‘Organisation Internationale de la Francophonie. Bonjour Bertrand !

Bertrand : Bonjour 

Guillaume : Bonjour Bertrand. Aujourd’hui on va parler d’ODIL. ODIL c’est la plateforme francophone des initiatives de lutte contre la désinformation. C’est le projet qu’on a créé ensemble, avec l’Organisation Internationale de la Francophonie. La première question que j’ai envie de vous poser, parce que Bertrand vous êtes responsable du projet « lutte contre la désinformation à l’OIF » … Quelle était l’idée derrière la création de cette plateforme ?

Logo de l'OIF
Logo de l’OIF

Bertrand : l’idée derrière la création de cette plateforme elle est simple. L’Organisation Internationale de la Francophonie agit dans divers domaines, notamment les domaines relatifs à la démocratie, à l’État de droit, aux droits de l’homme. Dans ce cadre-là, elle travaille sur des enjeux de liberté d’expression, de renforcement des médias, de régulation des médias … Je ne vous apprend rien, la question de la lutte contre la désinformation est devenue un enjeu mondial majeur sur lequel l’OIF a souhaité se pencher, depuis plusieurs années mais particulièrement avec la crise sanitaire. On a vu une résurgence et une intensification des cas de désinformation qui avaient, pour beaucoup et les conséquences sur les vies humaines.

À la faveur de cette crise-là, on s’est rendu compte qu’il y avait un besoin et que l’OIF devait pouvoir apporter son concours en matière de lutte contre la désinformation. On a effectivement pu soutenir, au niveau local, plusieurs initiatives, notamment de vérification des faits. Mais le constat que l’on a fait et qui nous a convaincus de lancer une plateforme francophone des initiatives de lutte contre la désinformation, c’est qu’il y a un besoin :

  • de pouvoir valoriser d’abord les initiatives de lutte contre la désinformation qui existent dans l’espace francophone
  • de pouvoir informer tout acteurs qu’il soit actif au niveau de la démocratie, de la société civile, des institutions, des médias sur ce qui se fait dans l’espace francophone en matière de lutte contre la désinformation
  • et puis tâcher, ça c’est le travail de l’OIF de pouvoir mettre en réseau, de fédérer l’ensemble de ces initiatives. 

On a choisi de lancer une plateforme, c’est aussi un constat que dans l’espace francophone, il n’existait pas, à moins que l’on aie ignoré d’autres initiatives du même genre, mais il n’existait pas, en français, un lieu, un espace virtuel évidemment, où l’on pouvait se renseigner sur ce qui se faisait en matière de lutte contre la désinformation dans l’espace francophone. Ça existe dans l’espace anglophone, ça existe dans l’espace hispanophone, peut-être dans d’autres espaces linguistiques majeurs, mais ça n’existait pas dans l’espace francophone. Je pense que que c’est le rôle d’une organisation comme celle de la Francophonie que de pouvoir démontrer que le monde francophone se mobilise, qu’il y a des initiatives intéressantes, des bonnes pratiques, des expériences qui peuvent être mutualisées pour renforcer justement la résilience du monde francophone face à la lutte contre la désinformation.

Nelly : Oui il y a une mise en réseau de plus d’une soixantaine d’initiatives qui existent aujourd’hui dans l’ODIL. L’OIF a mis en place plusieurs projets pour les accompagner au-delà de la plateforme … Est-ce que vous pouvez décrire ces projets ?

Bertrand: Absolument. Tout a commencé en 2020, quand on était tous confinés et que l’on a constaté avec la crise sanitaire les désastres que pouvait faire la désinformation en matière de santé publique … On l’a vu au début sur la réalité du virus puis aujourd’hui on le voit toujours avec les enjeux de campagnes vaccinales.

Il y a un véritable santé enjeu de santé publique derrière la désinformation en période de crise sanitaire.

Bertrand Levant, chef de projet « lutte contre la désinformation » à l’OIF

On l’a fait de manière on va dire un peu expérimentale dans un premier temps, en apportant un soutien, un appui on va dire d’urgence en 2020 à plusieurs structures de vérification des faits. On en a appuyé une trentaine dans 20 pays francophones. À la faveur de ça, l’appui de l’OIF à la lutte contre la désinformation est devenu un projet en soi, un projet phare de notre organisation et donc parallèlement, comme vous l’avez dit on a créé cette plateforme. On a aussi soutenu des projets, notamment récemment via un appel à projets qui s’est clôturé, un appel à projets de jumelage ou de partenariat entre initiatives francophones de lutte contre la désinformation

L’idée étant de pouvoir, dans l’esprit, de ce que j’expliquais sur la plateforme, de valoriser, de mettre en réseau, de fédérer, de pouvoir encourager la mise en commun de compétences, d’expériences, d’expertises entre des initiatives francophone de lutte contre la désinformation établies dans plusieurs pays de l’espace francophone.

Bertrand Levant

Guillaume : Oui alors c’était dans un premier temps, il y a eu ce moment de panique globale où il a fallu agir urgemment, et ce n’était pas spécialement destiné à des initiatives de lutte contre la désinformation mais c’était tous azimuts si je me souviens bien. Ce que l’OIF avait fait au printemps 2020, c’était une plateforme qui s’appelait Solidarité COVID-19 où on allait donner de l’argent pour aller aider des initiatives, par exemple de fabrication artisanale de respirateur en Afrique, ce genre de choses, et la désinformation était un des volets de ce projet-là. Maintenant il y a clairement une spécialisation, une allocation de moyens spécifiques au projet de lutte contre la désinformation. Au-delà du financement, ce que je trouve intéressant avec le projet, c’est qu’on veut justement dépasser le fait d’être un organisme, une banque qui distribue des chèques, on veut apporter aussi un support. Quel type de support Odil a vocation à fournir ?

Bertrand : Il y en a plusieurs. C’est évidemment un support informationnel déjà, notamment dans le cadre de l’appel à projets de partenariat entre initiatives francophones. Cela a pu être une ressource, une sorte d’annuaire aussi pour des initiatives qui cherchaient à pouvoir se jumeler ou être en partenariat avec d’autres initiatives.

Au-delà de cet appel à projet-là, je crois que pour certaines initiatives qui travaillent au quotidien à essayer de vérifier des faits, à démystifier des cas de désinformation avec des cas qui se présentent dans des pays dans lesquels ils n’ont pas forcément accès au contexte, à la langue … Je pense que c’est forcément utile pour certains journalistes, vérificateurs, de s’appuyer sur des initiatives reconnues, locales.

Là, ce matin, j’ai vu que les Observateurs de France 24 avaient démystifié une information sur un hélicoptère qui serait apparu au Mali … Ils l’ont fait en appui avec BenbereVerif, qui est une structure de vérification des faits au Mali, que nous avons appuyé. C’est aussi ça que peut permettre une telle plateforme. Les autres appuis qui sont envisagées pour cette plateforme, c’est évidemment le renforcement des capacités, des compétences. Il y a une veille informationnelle qui est faite aussi sur l’actualité de la lutte contre la désinformation tous azimuts. 

Évidemment, on espère pouvoir aussi valoriser les expériences et les expertises dans une optique de formation, de renforcement de compétences à travers des webinaires.

Capture d’écran du webinaire d’information sur l’appel à projets « Jumelage entre initiatives francophones de lutte contre la désinformation » de l’OIF

Ça se sera développé en 2022, pour pouvoir d’une part valoriser les expertises là où elles sont et pouvoir les partager. C’est vraiment ça l’esprit de la coopération à l’OIF et renforcer directement certaines initiatives. On le fait à travers l’appel à projets mais cela peut se faire notamment en période électorale en amont pour pouvoir développer des projets spécifiques, puisque le projet « lutte contre la désinformation » est rattaché à la Direction des Affaires Publiques et de la Gouvernance démocratique de l’OIF et nous avons un programme d’accompagnement des processus électoraux qui est assez conséquent.

Nelly : Ce recensement des acteurs vous a permis j’imagine de mieux les connaître, de vous rendre compte de la diversité, de la variété des acteurs que ce soit en terme d’action ou en terme de pays dans lequel ils se trouvent, de professionnalisation des initiatives. Est-ce que ça vous a aidé à formuler des recommandations, à fournir des aides à ces initiatives-là ?

Bertrand : C’est certain. Au moment où on a lancé la plateforme avec l’appui de CheckFirst, l’optique était dans un premier temps de cartographier la lutte contre la désinformation et particulièrement la vérification des faits, bien que la lutte contre la désinformation ne soit pas uniquement la vérification des faits, on en dira un mot tout à l’heure …

De comprendre quelles sont les réalités, pas seulement leur existence parce qu’il y a des endroits où peut-être qu’il n’y a pas de vérification des faits et c’est un enjeu parce qu’aucun pays dans le monde n’échappe au phénomène de la désinformation. Essayer de comprendre des réalités qui sont diverses, des réalités en terme d’organisation, de structuration, d’existence légale, de moyens de travail, de personnel alloué, de ressources financières disponibles … Ça nous a permis de constater que beaucoup d’initiatives étaient nées à la faveur de la crise sanitaire ce qui démontre quand même une mobilisation de la société civile en général, je comprends là-dedans le secteur médiatique, le secteur de l’éducation aux médias face à un enjeu majeur mais qu’il y a des écarts de structuration, et des besoins différents parce que les réalités sont différentes.

L’enjeu est de pouvoir faire monter ces initiatives à travers un appui, répondre à leurs besoins les plus précis possibles. Ça va par de la formation, du renforcement de compétences, d’expertise, parfois un appui financier aussi, un appui au renforcement des ressources humaines, ça a été aussi le cas aussi pour de l’achat de matériel puisqu’on a besoin de matériel technique aussi.

Parfois simplement des ordinateurs, des téléphones portables, des outils qui paraissent évident mais c’est parfois compliqué dans certains pays lorsque l’on a pas les moyens de l’acquérir. Oui il y a beaucoup de diversité, ça nous a permis de comprendre cette diversité de réalités.

Guillaume : On a fait le distinguo au début de ce podcast entre une pléthore d’actions de fédération d’outil de mesure dans le monde anglophone et puis un relatif manque de ces mêmes outils dans l’espace francophone ce qui a été l’une des raisons de la génèse de l’Odil et de l’action de l’OIF en faveur de la lutte contre la désinformation. Il y a toutefois un écueil dans lequel l’OIF n’a pas voulu tomber, enfin je ne sais pas si c’est un écueil, mais très souvent dans le monde anglophone, on a des entités de labellisation. En gros on dit « vous travaillez bien ou pas ». Ce n’est pas un rôle qu’ODIL remplit. Pourquoi vous n’avez pas voulu aller dans cette direction-là ?

Bertrand : Je dirais que c’est vrai qu’il y a une norme qui existe, que tout le monde connaît, qui est celle de l’IFCN qui a un modèle économique propre. L’idée n’est pas de critiquer, ou de remettre en cause, je pense que toutes les initiatives qui visent à établir des standards en matière de lutte contre la désinformation, de fact-checking, de vérification des faits sont utiles parce qu’elles mettent en exergue les besoins, en termes déontologiques, éthiques, de la transparence du travail en matière de vérification des faits … En tout cas une série de points d’attention à avoir lorsque l’on fait de la vérification des faits auprès du public, auprès de ceux qui ont accès à ce travail de vérification des faits et qui méritent toutes les garanties possibles.

Je pense que c’est un travail louable qui est fait au niveau international, aux États-Unis avec l’IFCN … J’ai vu que l’Union Européenne avait quelque chose qui se mettait en place aussi. Je pense que ce sont des initiatives très intéressantes mais qui s’inscrivent dans des réalités et des espaces plutôt homogènes. L’IFCN a une vocation très internationale, il commence à évidemment à labelliser énormément de structure de fact-checking dont des francophones et c’est très bien.

Je ne pense pas que ce soit le rôle de l’OIF de rentrer, et c’est le cas pour la vérification des faits mais c’est le cas ailleurs. L’OIF, en tout cas l’espace francophone, nous avons quelques normes qui sont établies à un niveau politique mais l’espace francophone n’est pas un espace économique intégré où on peut commencer à promouvoir des normes applicables.

L’idée de l’OIF est de valoriser tout ce qui se fait, de partager toutes ces bonnes pratiques, de faciliter le cas échéant, lorsque c’est nécessaire, l’accès à une meilleure compréhension de ce qui se fait par ailleurs, notamment par l’IFCN parce que je crois qu’il y a une véritable appétence des vérificateurs francophones pour une labellisation puisque derrière il y a un modèle économique via une rémunération, ce qui peut se comprendre. Après développer une norme, je pense qu’il y en a beaucoup et donc autant valoriser ce qui se fait déjà et travailler à la fédération à la mise en œuvre et puis chacun fait son chemin et s’inspire des bonnes pratiques pour développer ce qu’il pense nécessaire à son niveau.

Bertrand Levant, chef de projet « Lutte contre la désinformation » à l’OIF

Nelly : On l’a vu d’ailleurs, la lutte contre la désinformation passe en partie par la vérification des faits mais on l’a vu dans ce podcast, on a eu la chance de recevoir des journalistes qui vérifiaient des faits mais aussi des gens qui font de l’éducation aux médias, des personnes qui créent des outils, des personnes issues de la recherche, du monde universitaire. La lutte contre la désinformation passe par la diversité de ces acteurs-là et par, vous l’avez dit, le renforcement des compétences communes. Concrètement comment on fait pour que ces gens-là arrivent à travailler ensemble pour lutter contre la désinformation ?

Bertrand : C’est tout un enjeu. C’est un enjeu qui nécessite un plaidoyer puisqu’on se rend bien compte que la désinformation est un phénomène très complexe, multidimensionnel, qui touche à des aspects à la fois démocratiques, médiatiques mais aussi technologiques, juridiques, qui nécessite une approche multi acteurs. C’est pourquoi le projet « lutte contre la désinformation » que nous développons depuis un an à l’OIF, nous avons voulu le développer dans quatre axes qui nous paraissent essentiels. 

D’une part, évidemment, le renforcement de la vérification des faits et la mise en réseau, la valorisation des initiatives francophones de lutte contre la désinformation.

Il y a tout un aspect, deuxième aspect que l’on voudrait développer c’est celui du renforcement des politiques publiques en matière de lutte contre la désinformation parce qu’il y a derrière ça un enjeu de mise à niveau d’un arsenal des politiques publiques, lorsque je parle des politiques publiques il s’agit évidemment des lois. On pense bien souvent aux lois relatives à la liberté d’expression, à la communication, qui doivent pouvoir être usagées dans l’univers numérique actuel ce qui n’est pas toujours le cas, et des lacunes peuvent être constatées. 

C’est aussi le travail d’institutions qui ont une responsabilité sectorielle et des compétences sectorielles. On peut penser aux autorités de régulation des médias qui traditionnellement s’occupaient de vérifier la mise en œuvre des lois au niveau des médias traditionnels, radio, télé … Tout l’enjeu est de voir comment développer la régulation, et l’approche idoine vis-à-vis de des nouveaux acteurs, qui ne sont plus si nouveaux que ça, des acteurs du numérique, des plateformes numériques. Il y a un grand débat au niveau européen, mais c’est un débat au niveau des régulateurs qui est là depuis longtemps … C’est aussi la protection des données personnelles parce que on se rend bien compte que la désinformation s’appuie sur l’utilisation illégale ou détourner parfois de données personnelles qui permettent le ciblage donc il y a un renforcement en matière juridique en matière de sécurité des données personnelles. C’est aussi, vu notre attention sur la question des processus électoraux, le travail avec des organismes de gestion des élections qui ont un travail important d’encadrement des élections donc il doit y avoir aussi une sensibilité ou en tout cas une capacité renforcée de ces organisations, de ces institutions, de pouvoir appréhender la lutte contre la désinformation de manière spécifique dans leur secteur mais aussi en collaborant. 

Il est nécessaire pour pouvoir appréhender en terme d’institutions et de politiques publiques, c’est ce que nous pensons, de pouvoir permettre une coopération un peu plus renforcé entre diverses institutions : les autorités de protection des données personnelles, les autorités de gestion des médias, les organismes de gestion des élections. Il y en a d’autres et on voit que des initiatives dans l’espace francophone émergent sur des coopérations, des agences ad hoc qui sont créés et qui permettent de fédérer, d’avoir un espace d’échanges, de coopération, de coordination, entre divers niveaux de compétence institutionnel. Ça c’est un enjeu particulier sur les politiques publiques. 

Le troisième axe est celui de l’éducation aux médias, vous l’avez évoqué. Je pense que toutes les vérifications des faits possibles, toutes les lois et l’amélioration des institutions, des panels juridiques les plus performants, ne seront jamais assez suffisants à mon sens pour lutter contre toute la désinformation, tous les désordres de l’information si l’on prend ça au sens large, parce qu’il n’y a pas que la désinformation il y a aussi la haine en ligne, le harcèlement. Si on ne renforce pas la capacité de chaque citoyenne et citoyen d’avoir une certaine distance par rapport à l’utilisation des réseaux sociaux, du numérique en général par rapport à l’information qui circule, d’avoir un regard critique par rapport à cela … Donc l’éducation aux médias et à l’information paraît très important et le premier rempart je crois, c’est la responsabilisation de chacune et chacun sur les dangers de la désinformation, les dangers de l’usage de certaines plateformes donc cet aspect de renforcement de l’éducation aux médias et à l’information est un axe très important que nous souhaitons développer.

Nous l’avons déjà développé au travers du lancement d’un CLOM, un cours en ligne ouvert et massif pour ne pas dire un MOOC de formation accessible à tout un chacun qui permet surtout à un public de médiateurs, c’est-à-dire des éducateurs, des gens qui travaillent en première ligne, notamment des bibliothécaires aussi, de pouvoir déjà d’une part comprendre ce qu’est la désinformation, comment la réfuter, quels sont les mécanismes, très clairement, pour pouvoir détecter une désinformation -c’est important- et ensuite de pouvoir structurer, renforcer les projets d’éducation qu’ils développent au niveau local.

Il y a une première session qui a été lancée ici en novembre qui s’est terminée récemment. Il y en a une deuxième qui se tiendra en février 2022 et par la suite nous aurons une attention à renforcer ces projets au niveau local pour leur donner sans doute un appui pour pouvoir développer cela en 2022. 

Le dernier axe c’est celui de la recherche je termine, parce qu’évidemment la recherche est un aspect important de la lutte contre la désinformation. Comme je le disais et comme vous l’avez souligné, la désinformation se déploie dans des contextes politiques et culturels différents, dans des langues parfois différentes aussi donc il paraît important de pouvoir renforcer les capacités des acteurs de la recherche et de l’enseignement au niveau local pour permettre justement de renforcer cette recherche et de comprendre sur quels ressorts se base la désinformation au niveau local, c’est un aspect sur lequel on souhaite travailler également.

Guillaume : Donc les quatre axes :

  • renforcement de la vérification des faits et mise en réseau des initiatives, ça c’est le premier,
  • le second : renforcement des politiques publiques et d’ailleurs on peut annoncer qu’on va bientôt lancer un portail des politiques publiques sur odil.org où on pourra consulter ce que chaque pays met en œuvre pour lutter contre la désinformation sur le plan réglementaire.
  • Troisième axe : éducation aux médias avec notamment le lancement d’un CLOM qui est déjà disponible
  • et puis notamment le soutien à la recherche pour mieux comprendre la diffusion locale de la désinformation.
    C’est ambitieux, c’est beaucoup de choses entendues dans le détail que vous venez de faire. Si on parle, et on va le faire, de ce qui est sur le chemin pour Odil : on a entendu les mots formation, webinaires, ce portail des politiques publiques que je viens de mentionner. Si je comprends bien, l’idée c’est d’asseoir dans le paysage francophone cette entité. Quelle est la stratégie pour faire en sorte qu’Odil soit là, reconnaissable comme étant une communauté fiable ? Comment on peut la définir d’ailleurs comme une plateforme, une entité, une communauté ?

Bertrand : Oui c’est une plateforme d’information et de valorisation, une plateforme de ressources, qui se veut la plus neutre possible.

C’est un objectif très important, cette neutralité, où chacun pourra partager ou aller chercher l’information qu’il estime nécessaire dans le domaine de la vérification des faits, sur les politiques publiques aussi. Ce développement-là, il est voulu dans une perspective … Toutes les initiatives il y en a une soixantaine maintenant.

Cette plateforme, elle est ouverte à tous les acteurs, à toutes les initiatives francophone de lutte contre la désinformation. Elle a vocation à embrasser toutes les initiatives qui de près ou de loin ont vocation à lutter contre la désinformation. Il y a une ambition holistique de cette plateforme à s’ouvrir au maximum de la façon la plus neutre et la plus exhaustive possible sur ce qui se fait dans l’espace francophone en matière de lutte contre la désinformation, et ce qui se fait de mieux ou de plus utile pour renforcer chacune des initiatives qui peuvent exister ou qui veulent naître dans l’espace francophone.

Bertrand Levant

Comme je le disais, il y a des contextes dans lesquels ça reste parfois balbutiant malgré le courage, le talent et on va dire l’engagement de beaucoup d’acteurs et tout ça a vocation parfois à être renforcé et structuré davantage avec l’appui d’expériences et d’expertises qui pourraient être reconnus et valorisés sur une telle plateforme.

Est-ce que c’est l’émergence d’une communauté ? D’une certaine manière oui, puisque l’enjeu pour l’OIF est de mobiliser au maximum tous les acteurs pertinents qui peuvent apporter leurs concours en matière de lutte contre la désinformation. On en a cité quelques uns, ils recouvrent les quatre axes que l’on a cité tout à l’heure. Évidemment il y a le secteur des médias, la vérification des faits, des acteurs institutionnels au sens large, des acteurs de la société civile aussi au sens large qui oeuvrent notamment en matière d’éducation aux médias mais pas seulement et puis les acteurs de la recherche. Nous pensons que, en fédérant au maximum tous ces acteurs là tant au niveau local que dans une coopération plus internationale, à un moment donné il y aura une prise de conscience un peu plus importante de l’urgence de travailler ensemble pour lutter contre la désinformation mais aussi avoir des résultats qui paraissent plus inclusifs et gage de meilleurs résultats et de meilleure efficacité, efficience, quand on prend justement cet aspect multidimensionnel de la complexité du phénomène de désinformation. 

Nelly : Donc un travail sur de la collaboration, sur l’inclusion d’autres initiatives. J’imagine que c’est au cœur des enjeux pour 2022 … Finalement 2022 et dans quelques jours au moment où ce podcast sera publié. La question qu’on se pose aussi, après avoir vécu pendant deux ans dans cette période de pandémie mondiale où on enregistre tout à distance : est-ce que finalement il est prévu que les gens arrivent à se voir en vrai ?

Bertrand : Ce serait bien ! Même si ça fait deux ans que l’on est à distance, on voit très bien qu’il faut rester très prudent et que rien n’est gagné vis-à-vis de la crise sanitaire et qu’il faut rester prudent. On espère pouvoir en tout cas valoriser et fédérer tous ces acteurs-là d’une manière ou d’une autre. Si ça se fait virtuellement, évidemment on souhaiterait que à un moment donné tout cela puisse se faire physiquement mais je pense que c’est beaucoup trop tôt pour pouvoir annoncer quelque chose là-dessus. On espère, on espère.

On a lancé un appel à projets de partenariat, on a soutenu six projets de partenariat qui mobilisent 17 initiatives dans une dizaine de pays francophones. Nous avons reçu de très beaux et très bons projets et le résultat de ces projets de partenariat a vocation de valoriser aussi, pour dupliquer, disséminer tous les résultats qui pourraient être utiles à renforcer les initiatives d’autres pays. Nous verrons au moment opportun si nous pouvons nous rassembler. On espère qu’un jour on pourra rassembler toutes celles et ceux qui, dans les différents pays francophones sur les cinq continents travaillent au quotidien à lutter contre la désinformation en français mais pas seulement. Ce serait un bel événement pour créer la communauté dont vous avez parlé mais il est beaucoup trop tôt pour en parler maintenant.

Guillaume : Odil on l’a compris est là pour informer, pour former, mettre à disposition des ressources, faire en sorte que les différents acteurs puisse profiter des expériences des uns et des autres et pas répéter les mêmes erreurs par exemple, gagner du temps, quelle que soit leur taille, quel que soit leur domaine d’activité de la lutte contre la désinformation et tout ça en français dans l’espace francophone on le rappelle qui est représenté sur l’ensemble de la planète puisque l’OIF c’est 88 États et gouvernement membres et observateurs

Ça fait beaucoup de monde qui parle cette langue dans un monde qui est sino-americano-anglo-hispano … on sait pas trop où l’arrêter mais on a l’impression d’être un peu perdu mais ça reste une langue très forte, qui a besoin de soutien et Odil en tout cas à l’ambition d’être une sorte de vecteur pour accélérer la lutte contre la désinformation en français avec au passage aussi des contenus en langue vernaculaire pour certains.

Bertrand : c’est un enjeu très important ça 

Guillaume : Puisque le français reste dans certains pays la langue des élites ou des classes moyennes supérieures et n’est pas forcément aussi bien apprises dans les couches les plus exposées à la désinformation ou en tout cas où le risque est le plus important dans la dissémination de la désinformation. Ce travail là existe également, et peut être transposé du français et ça peut aller dans les deux sens d’ailleurs, on peut s’enrichir mutuellement sur les travaux qui ont été effectués. 

Merci Bertrand Levant d’avoir participé à ce dernier épisode de la saison 1 d’Odil, le podcast. On se donne rendez-vous en 2022 pour des développements parce que vous entendrez parler d’Odil encore. Un seul point d’entrée : odil.org qui est l’endroit où vous pourrez savoir quelles sont les actions d’Odil et accéder à l’ensemble des ressources. On n’a pas parlé non plus de toutes les ressources qui sont mises à disposition des initiatives comme par exemple une messagerie sécurisée et encryptée qui est mise à disposition des initiatives pour permettre d’accéder à ces collaborations. Ça fait partie des outils et des ressources mis à disposition parmi d’autres. Un grand merci Bertrand !