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Que retenir de la conférence annuelle d’EU DisinfoLab, #Disinfo2024

Cet événement rassemble chaque année les actrices et les acteurs de la lutte contre la désinformation au niveau européen et mondial. Cette année, elle a eu lieu les 9 et 10 octobre à Riga, en Lettonie.

Après plus de 900 candidatures reçues, 583 participants ont pu assister à Disinfo2024. Diana Wallis, présidente de l’organisation EU DisinfoLab a ouvert cette 5e édition devant une salle comble, soulignant l’intérêt pour la conférence. L’événement a rassemblé des membres de la société civile, des régulateurs, des chercheurs et enfin des journalistes travaillant dans la lutte contre les désordres de l’information.

Cette année a été marquée bien sûr par de nombreuses élections, puisque près de la moitié des habitants du globe a voté. On a vu également l’essor des campagnes de désinformation coordonnées, mais aussi le développement des contenus générés par l’IA. Il est ressorti des différents panels un besoin de régulation et la responsabilité des grandes plateformes dans la lutte contre la désinformation.

De l’importance de voix locales pour parler des réalités globales

Les voix locales reflètent les réalités locales, comme l’a fait remarquer Frédéric Alinabo Namegabe (à droite sur la photo) de Balobaki Check (République démocratique du Congo) dans son intervention. Cette organisation est toute récente lauréate (1ère place) du Prix francophone de l’innovation dans les médias de l’OIF, France Médias Monde (FMM) et Reporters sans Frontières (RSF) et également membre d’ODIL. Le responsable technique de Balobaki Check a indiqué que le but de ce média de vérification de faits était de renforcer la démocratie. Il a également évoqué les difficultés des vérificateurs de faits en Afrique, comme les coupures d’internet ou d’électricité, le manque de régulation et les menaces à la sécurité personnelle.

Dans un pays qui compte plus de 200 langues parlées, la République démocratique du Congo, l’importance de la traduction des contenus pour toucher les publics est essentielle. Frédéric Alinabo Namegabe a rappelé à l’auditoire que les nouvelles peuvent être diffusées par les radios communautaires et les influenceurs locaux. Balobaki Check met notamment à disposition de ses publics des podcasts en langues locales, avec pour ambition de toucher les gens là où ils sont. Elle diffuse aussi ses contenus sur les plateformes utilisées par ses publics, comme WhatsApp. L’importance des canaux locaux, tels que les radios communautaires en Afrique, a été également souligné par Melissa Fleming, secrétaire générale adjointe à la communication globale des Nations unies, dans son discours à la fin de la conférence.

La désinformation touche tous les pans de nos vies, jusque dans l’assiette

Certains panels se sont concentrés sur des campagnes de mésinformation ou de désinformation moins connues, telles que celles ciblant l’alimentation. Pragnya Senapati, de l’organisation suisse Ripple Research, a voulu sensibiliser le public à l’impact des campagnes de désinformation touchant l’alimentation. Elle explique que sur les réseaux sociaux, certains narratifs cherchent à dissuader les gens de réduire leur consommation de viande, malgré ses avantages connus pour l’environnement.

Rocío López Iñigo, de l’Africa Infodemic Response Alliance (Organisation mondiale de la santé), a abordé la question de la désinformation sur les vaccins, notant que si ce problème n’est pas nouveau, il pose de nouveaux défis, notamment face au développement des théories du complot sur les réseaux sociaux. Il a précisé que face à ce fléau, comprendre le paysage informationnel local est essentiel.

La chaîne de responsabilité contre les faux récits

Chacun a un rôle à jouer dans la lutte contre les faux narratifs. Le rôle crucial de la communication et des relations publiques dans la diffusion de la vérité mérite d’être davantage reconnu. La spécialiste ukrainienne de la communication Olha Danchenkova, de l’agence Calibrated, a présenté le projet PR Army. Il s’agit d’une organisation ukrainienne indépendante à but non lucratif créée au début de l’invasion russe de l’Ukraine. Cette initiative de spécialistes de la communication sert de lien entre les médias occidentaux et les voix ukrainiennes. Elle a créé une base de données d’experts vérifiés et un outil baptisé « Check the Speaker » (Vérifiez votre interlocuteur) pour s’assurer que des récits authentiques sur l’Ukraine sont transmis dans les médias du monde entier.

Jack Brewster, le journaliste américain qui avait créé en avril dernier un faux site d’informations locales généré par l’IA, faisait partie des panélistes. Nous vous avions raconté son expérience -réalisée dans le cadre d’un article pour le Wall Street Journal– dans une précédente édition de notre infolettre, Lu. Il a présenté sa méthologie dans son intervention. Le journaliste a expliqué avoir été choqué par la facilité avec laquelle il avait pu trouver un développeur indépendant pour ce « projet », un site capable de publier des dizaines de fausses nouvelles par jour. Jack Brewster a précisé que son développeur n’a pas exprimé de regrets une fois qu’il a compris que ce n’était pas véritablement un site qui avait pour vocation d’être mis en ligne, mais bien une expérience éditoriale et sociétale. Au contraire, il a remercié Brewster, car il a connu un développement de son activité. Cela montre l’importance de la responsabilité de chacun d’entre nous dans le développement des fausses nouvelles.

N’oublions pas pour qui nous travaillons : le public

« Il est injuste de transférer toute la responsabilité aux citoyens », a déclaré Melissa Fleming, et elle a tout à fait raison. Maria Giovanna Sessa, du EU DisinfoLab, a souligné l’importance de l’éducation aux médias et à l’information. D’ailleurs la semaine mondiale de l’EMI débute ce 24 octobre et se terminera le 31 du même mois. Vous trouverez sur ODIL de nombreuses ressources pour vous accompagner dans la mise en place d’un atelier d’EMI où que vous habitiez dans l’espace francophone.

🔎 La prochaine édition de la conférence d’EU DisinfoLab aura lieu les 15 et 16 octobre 2025 à Ljubljana en Slovénie.

Photo : EU DisinfoLab / Reinis Olins. Issue du panel avec Frédéric Alinabo Namegabe (Balobaki Check), Nighat Dad (Digital Rights Foundation) & Lucina Di Meco (#ShePersisted)iktors Makarovs (Latvian Ministry of Foreign Affairs).

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