Chaque année, la conférence annuelle de l’organisation européenne EU DisinfoLab réunit des centaines d’acteurs de la lutte contre les désordres de l’information. Les 15 et 16 octobre 2025, l’événement s’est tenu à Ljubljana, la capitale slovène.
 
			Les 15 et 16 octobre derniers, la communauté internationale de la lutte contre les désordres de l’information s’est réunie à Ljubljana, en Slovénie pour un rendez-vous immanquable. Comme l’année passée, la conférence annuelle de l’EU DisinfoLab a suscité l’engouement de la communauté internationale : sa sixième édition a accueilli 600 participants, selon sa présidente Diana Wallis. L’enthousiasme a été tel qu’une nouvelle série de sessions a été créée pour parler des solutions innovantes et des sujets émergents du secteur.
Comme nous le soulignions en début d’année, l’époque s’annonce morose pour les vérificateurs de faits. L’année 2025 a débuté sur des déclarations inquiétantes de Mark Zuckerberg, le dirigeant de Meta, mettant fin aux partenariats de vérification de faits sur ses plateformes aux États-Unis. Selon l’ancien journaliste Nicolas Hénin, nous assistons à une « suppression informationnelle » due à la censure, à l’emprisonnement, voire aux meurtres de journalistes. Les leviers politiques et législatifs ne sont pas en reste : Szilárd Teczár, journaliste pour le média de vérification des faits hongrois Lakmusz, a par exemple témoigné des pressions exercées sur la presse par le Fidesz (parti nationaliste conservateur du Premier ministre Viktor Orbán). Selon Pierre Dagard, responsable du plaidoyer de Reporters sans frontières, « nous devons examiner trois aspects : la situation économique du secteur des médias, le manque de confiance entre le public et les médias, et la responsabilité des plateformes dans l’amplification de la désinformation ».
Pour répondre à ces nombreux défis, la collaboration pourrait être la clé (comme l’ont montré nos articles sur les projets de jumelages soutenus par l’Organisation internationale de la francophonie). Par exemple, lors des dernières élections municipales de Barcelone, l’organisation Verificat a demandé aux candidats de lui transmettre les chiffres utilisés pour leur campagne. Cela a permis la mise en place d’une vérification des faits en amont (ou “prebunking”) et une correction en direct des arguments erronés lors des débats publics. En Moldavie, l’entreprise International Media Support coopère régulièrement avec de grands médias nationaux pour limiter l’impact des opérations de désinformation avant qu’elles n’atteignent leur pic de notoriété, en organisant des campagnes de démystification préventive. Ces collaborations peuvent aussi être transcontinentales : c’est le cas de l’enquête “Truth Africa” (que nous avons relayé dans notre infolettre et dans notre podcast), portant sur la désinformation russe en Afrique et menée par PesaCheck et l’association polonaise Pravda. Jakub Śliż, son président, a invité l’auditoire à se pencher davantage sur les FIMI ayant cours sur le continent africain, qu’il surnomme « le bac à sable de la désinformation ». Ce sujet revient régulièrement dans les épisodes de notre podcast, comme celui sur les campagnes de désinformation coordonnées, et celui sur l’utilité de la recherche sur les acteurs de la désinformation.
Qu’il s’agisse d’amplifier ou d’enrayer les campagnes de désinformation, le public a aussi son rôle à jouer. Pravin Prakash, chef des initiatives stratégiques au Centre d’études de la haine organisée, a insisté sur la nécessité de se pencher sur les campagnes de haine « partant de la base ». Cette base a justement été l’une des principales sources d’information pour Inês Narciso, chercheuse à l’Institut universitaire de Lisbonne et au CyberPeace Institute, lorsqu’elle a enquêté sur la propagation de fausses informations sur les plateformes de messagerie après la coupure d’électricité qui a touché la péninsule ibérique en avril 2025. Selon Alden Wahlstrom, analyste pour l’entreprise de cybersécurité Mandiant, ces plateformes sont les outils privilégiés des campagnes de dissémination directes, qui utilisent diverses stratégies (hameçonnage, messages menaçants) pour toucher des cibles précises. Plusieurs de nos productions soulignent qu’en Afrique francophone, l’application WhatsApp peut être un vecteur des campagnes de désinformation, tout en ayant un grand potentiel pour diffuser l’éducation aux médias.
La conférence a aussi été l’occasion d’en apprendre plus sur les outils de vérification en sources ouvertes (OSINT) et sur l’influence grandissante des grands modèles de langage. Le journaliste canadien Craig Silverman, fondateur du média Indicator, a partagé une série d’outils utiles pour récolter des données de comptes d’utilisateurs sur les réseaux sociaux, détecter des images potentiellement générées par intelligence artificielle, ou encore analyser l’étendue d’une infrastructure web potentiellement frauduleuse. Sur ODIL, nous mettons régulièrement en avant les nouveaux outils d’assistance pour les enquêteurs, comme lors de notre formation sur l’intégration de l’intelligence artificielle dans les pratiques journalistiques.
« Quand les gens entendent le mot “désinformation”, ils pensent à une “guerre qui se déroule sur Internet”. Ce qui est réellement en jeu, c’est notre combat collectif pour la démocratie », a déclaré Jean-Marc Mojon, responsable de la sécurité de l’information à l’AFP. Nina Jancowicz, ancienne directrice du Comité de lutte contre la désinformation du gouvernement américain sous l’administration Biden, a témoigné avoir été accusée de censure par l’administration Trump, puis visée par des menaces en ligne et une enquête du Congrès. Le règlement européen sur les services numériques, ainsi que les chercheurs et les vérificateurs de faits européens, sont également présentés comme des censeurs. Pour répondre à ces menaces, la présidente d’EU DisinfoLab Diana Wallis a rappelé un point essentiel en conclusion de la conférence : la communauté de lutte contre les désordres de l’information doit rester soudée.
🔎 La prochaine édition de la conférence d’EU DisinfoLab aura lieu les 7 et 8 octobre 2026 à Vilnius en Lituanie.
(Photo : Check First/ODIL)
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