Les portraits d’ODIL : Isabelle Lessard

Basée à Montréal, Isabelle Lessard est cheffe scientifique de Futur simple, l’entreprise qui porte le média environnemental Unpointcinq, récemment lauréat du Prix francophone de l’innovation dans les médias 2024. Son rôle : être la gardienne de la rigueur scientifique. Depuis 2022, elle occupe ce poste qu’elle décrit comme un rôle de facilitatrice, une mission qu’elle apprécie particulièrement. Portrait.

Le rôle d’Isabelle Lessard chez Unpointcinq est plutôt rare dans le monde de la presse. Elle n’est ni journaliste, ni rédactrice en chef. Son mandat est clair : « être la gardienne de la rigueur scientifique ». Dans ce média québécois consacré au journalisme climatique et environnemental, elle agit en conseillère pour éviter les pièges de la désinformation. « Les journalistes ne sont pas à l’abri », lance-t-elle.

Insuffler de bonnes pratiques auprès des journalistes

Son travail consiste notamment à insuffler de bonnes pratiques dans cette rédaction d’une dizaine de personnes, dont l’objectif est double : encourager monsieur et madame Tout-le-monde à agir pour l’environnement, mais surtout comprendre pourquoi ils n’agissent pas.

Quelques-unes de ses règles fondamentales en matière de journalisme environnemental ? Ne jamais se fier à une seule étude scientifique, privilégier les méta-analyses, éviter la simple reprise d’informations d’autres médias, s’assurer que les recherches sont validées par les pairs et utiliser des sources récentes, idéalement de moins de cinq ans. « J’adore travailler avec les journalistes », confie cette scientifique habituée aux projets interdisciplinaires.

Avant Un point cinq, où elle s’occupe également de stratégie et de consultation, Isabelle a suivi un parcours marqué par les sciences de la nature. Elle est diplômée en ingénierie chimique et détient un doctorat de l’École Polytechnique de Montréal. Par la suite, elle devient coordonnatrice au CIRODD (Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable) au Québec, renouant avec une vieille passion pour la psychologie. Un grand intérêt pour cette spécialiste des empreintes carbone et des sols contaminés. « J’ai alors retrouvé ma petite flamme pour la psychologie », confie-t-elle.

Son poste chez Unpointcinq est, selon elle, une combinaison idéale de ses cinq passions : biologie, psychologie, recherche, enseignement et entrepreneuriat. Car en plus du média, Futur simple inclut un volet recherche et consultation. Au fil de son parcours, Isabelle est passée par une ONG et a même quitté temporairement la recherche pour se former en acupuncture médecine traditionnelle chinoise.

À la rencontre des complotistes

Ce qui frappe lorsqu’on parle avec Isabelle Lessard, c’est sa volonté d’apaiser les débats. Loin des discours alarmistes, elle privilégie la nuance — une posture qu’elle décrit avec humour comme « atypique pour une scientifique.» Elle incarne le dialogue, même face à ceux qui s’opposent à ses certitudes.  Elle a par ailleurs comme projet d’aller à la rencontre de complotistes et de climato-sceptiques. Pourquoi ? Pour comprendre, écouter et, peut-être, tenter de rétablir un échange sur des bases moins polarisantes — mais toujours avec empathie. « J’ai remarqué que les complotistes sont parfois des gens qui manquent d’estime d’eux-mêmes, qui n’ont pas été écoutés. »

Pour elle, continuer à les démoniser ne ferait qu’aggraver la polarisation. Son approche : écouter, mais sans jamais renier ses certitudes scientifiques. « Une des solutions pour lutter contre la désinformation scientifique, c’est justement d’accepter de s’asseoir et d’écouter l’autre ». Une démarche à la fois simple et novatrice pour contrer les fausses croyances.

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