Entre l’écart grandissant des températures, la perte de biodiversité et la multiplication des catastrophes naturelles, la crise climatique est flagrante. Pourtant, le climatoscepticisme et la désinformation environnementale n’en finissent pas de sévir. Pour les contrer, le média tunisien BlueTN, spécialisé dans l’environnement, s’est doté d’une stratégie efficace sur les réseaux sociaux.
Contrer la désinformation climatique n’a jamais été aussi urgent, alors que 2024 est l’année la plus chaude enregistrée. Ce désordre de l’information se caractérise par « la diffusion volontaire ou involontaire de fausses informations concernant le changement climatique un danger environnemental, que ce soit par mauvaise ou bonne intention, par ignorance ou pour protéger certains intérêts politiques et économiques », explique Mayssa Sandli, activiste environnementale et fondatrice du média tunisien spécialisé BlueTN. Parmi les acteurs de cette désinformation, « il y a des groupes de lobbying, certains responsables politiques, des influenceurs ou des médias peu scrupuleux », qui peuvent être impliqués dans « des campagnes massives souvent bien orchestrées ».
En Tunisie, les requins (qui font pourtant partie de la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature) ont par exemple été la cible d’une campagne de désinformation massive visant à justifier leur chasse dans les eaux méditerranéennes. Mayssa Sandli se souvient aussi d’« un chroniqueur journaliste de la première radio de Tunisie, qui faisait partie d’un lobby et qui a essayé de convaincre le grand public de l’importance du gaz de schiste pour notre pays, que c’est une énergie propre, que ça ne pollue pas l’eau. Chaque jour, dans la matinale, il faisait ce discours-là ». Pour détricoter ce discours, l’équipe de BlueTN s’est rapprochée de scientifiques et d’experts et les a « coachés » dans le but de rendre leur discours accessible au grand public.
Cette forme de vulgarisation représente un véritable défi, car la désinformation climatique et environnementale concerne de nombreux sujets souvent complexes. « On a créé BlueTN pour faire sortir les scientifiques du laboratoire et pour expliquer les études en dialecte tunisien », décrit Mayssa Sandli. Pour mettre en valeur la parole des experts, la rédaction a mélangé « l’humour, la satire, la science, les références populaires et la subtilité journalistique ». Les formats privilégiés par la plateforme ont aussi changé, passant de l’écrit à des vidéos virales d’une minute trente maximum. Cette stratégie paye : BlueTN compte à ce jour 130 000 abonnés sur Facebook et plus de 9 400 sur TikTok et cumule des dizaines de milliers de vues.
Ces chiffres témoignent de l’intérêt croissant du public pour les sujets environnementaux, malgré leur complexité. « Aujourd’hui, on voit des arrestations des activistes environnementaux, mais on voit aussi une conscience commune au sein du peuple tunisien en ce qui concerne leurs droits environnementaux. Le chemin de la sensibilisation est efficace mais ça prend du temps », souligne Mayssa Sandli. Selon elle, « c’est en gardant notre bienveillance et notre résistance qu’on va arriver à contredire la désinformation climatique ».
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