Dans les pays multilingues, maîtriser les langues locales est essentiel pour qu’un média atteigne toutes les personnes victimes de désordres informationnels. Exemple avec Balobaki Check, média basé en République démocratique du Congo qui diffuse des podcasts en cinq langues.
En plus du français, la République démocratique du Congo compte quatre langues nationales : le swahili, le lingala, le kikongo et le tshiluba. Pour les initiatives de lutte contre les désordres de l’information, produire des contenus en langue locale est donc indispensable pour être plus efficaces et atteindre un public large. C’est le pari du média congolais Balobaki Check, qui adapte ses articles de vérification des faits en podcasts diffusés en cinq langues avec l’appui des radios communautaires.
À l’inverse, certains articles sont écrits à partir d’alertes des radios communautaires ou de lecteurs. « Selon l’impact et la viralité de la fake news, on identifie et on choisit de traduire dans les langues locales », explique Ange Kasongo, fondatrice de Balobaki Check. Pour elle, les radios communautaires sont le premier vecteur de la lutte contre les désordres informationnels en langue locale devant WhatsApp. Mais elles ne sont pas les seules à diffuser le podcast de Balobaki Check, qui traverse les frontières et touche toujours plus de locuteurs via la chaîne Soundcloud du média :
« Il y a beaucoup de membres de la communauté qui sont basés dans d’autres coins du monde et c’est aussi important de voir que les messages peuvent toucher, par exemple, des personnes qui parlent swahili dans la région des Grands Lacs. »
Ange Kasongo.
Des influenceurs locaux peuvent aussi être sollicités dans le cadre du Collectif de fact-checkers de la RDC, lancé par Balobaki Check en 2025. Ange Kasongo rappelle toutefois que les partenariats avec les influenceurs exigent une attention particulière quand il s’agit de lutte contre les désordres de l’information. Les intérêts commerciaux de certains d’entre eux peuvent entrer en contradiction avec les objectifs journalistiques de Balobaki Check.
L’impact des sujets change aussi selon la langue, ce qui implique de trier les sujets pour mieux cibler le public victime de désinformation. D’où l’importance d’avoir des correspondants locaux, selon la journaliste : « Parfois, nous, depuis Kinshasa qui est la capitale et donc le siège des institutions, on peut considérer que certains sujets sont moyennement importants, mais un correspondant à Butembo [au nord-est de la RDC, NDLR] va être en mesure de nous dire le contraire », souligne-t-elle.
Pour Ange Kasongo, « selon l’endroit, un sujet peut être important, mais quand il n’est pas traduit dans la bonne langue, on ne touche pas la cible et le message n’a pas l’impact souhaité ». Par exemple, « il y a quelques mois, on avait lancé le projet Tosangana, “unissons-nous” en lingala. On est parti à Lubumbashi dans le Haut-Katanga [au sud-est du pays, NDLR] et là les journalistes nous ont reproché d’avoir gardé le nom du projet en lingala. Il fallait le traduire en swahili », raconte-t-elle. La journaliste insiste aussi sur les subtilités propres aux dialectes et aux argots. Des nuances qui, une fois maîtrisées grâce aux partenariats avec des acteurs locaux, font des langues locales des armes essentielles de la lutte contre les désordres informationnels.
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