L’activiste environnementale a lancé BlueTN en Tunisie, en 2021. Désormais, elle veut toucher de nouveaux publics, notamment les jeunes, en allant leur parler d’écologie sur TikTok avec des vidéos créatives. Portrait.
L’histoire a commencé sur les routes sèches du désert du Sud tunisien. C’est là-bas qu’en 2016 Mayssa Sandli part avec une amie pour promouvoir l’écotourisme. Ce qu’elle y constate va être fondateur pour le reste de son parcours d’activiste environnementale. « J’ai vu pendant ce voyage, partout, la sécheresse, la pollution plastique, la pollution industrielle, les déchets dans les océans…» Quand elle rentre de son périple, celle qui était alors ingénieure qualité se rend compte du manque de proposition médiatique en termes de journalisme environnemental pour les Tunisiens (depuis la rédaction de Blue TN a compilé ici les médias environnementaux dans le pays, en 2023).
« J’ai constaté un grand écart entre le traitement médiatique accordé à ces catastrophes environnementales et leur ampleur », explique la jeune femme de 32 ans depuis Sidi Bou Saïd, la ville côtière aux célèbres tons bleu et blanc. Pour combler ce manque de couverture des sujets liés à l’urgence climatique, elle lance Blue TN en 2021, aux côtés de l’anthropologue et spécialiste de l’EMI Kerim Bouzouita. L’idée : créer un média environnemental accessible à tous.
Elle utilise dès le début les langues locales, et communique en dialècte tunisien sur les réseaux sociaux, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Le média se décline également sous la forme d’un site Internet, disponible en anglais et en français, « nous visons avec ce site un public plus scientifique, avec des contenus de reportages et d’investigation », précise la consultante en responsabilité sociale et environnemental. Elle prône un « journalisme environnemental créatif » :
Nous utilisons par exemple des proverbes tunisiens, des chansons populaires, pour expliquer au plus grand nombre des concepts scientifiques.
Mayssa Sandli
Trois ans après son lancement, le succès est là et il est particulièrement remarquable pour un média environnemental : 93 000 followers sur les réseaux sociaux, avec un reach de 5 millions de personnes depuis janvier. Cette année, l’équipe de 11 personnes -majoritairement composée de femmes journalistes, chercheuses environnementales -s’est lancée sur TikTok. Une nouvelle conquête des jeunes, voire très jeunes publics : « nous voulons atteindre ces publics-là, avec un contenu créatif, comme ces portraits de jeunes entrepreneurs tunisiens dans le développement durable, celui d’une femme pêcheur…», explique celle qui est également formatrice en journalisme environnemental auprès de médias et d’associations. « Au travers de nos contenus créatifs, nous voulons leur faire passer des messages de sensibilisation », indique Mayssa Sandli, jeune maman d’un bien nommé petit Blue.
L’océan est en effet au cœur de son combat pour l’environnement et de sa passion : la plongée sous- marine. La Tunisie compte près de 1 300 km de côtes, sur ses façades Nord et Est. Mayssa Sandli utilise d’ailleurs son équipement pour filmer des documentaires pour Blue TN, comme un film sur les coraux en Asie du sud-est. La production de documentaires est l’un des axes de développement de ce média soutenu par de grands noms comme Internews et Deutsche Welle. Le modèle économique de Blue TN repose principalement sur des projets financés par des ONG.
Parmi le contenu scientifique proposé par Blue TN, il y a du debunking de mythes liés à l’environnement, comme celui -populaire en Tunisie selon Mayssa- visant les requins, qui devraient être tués. « On a réalisé un article en dialecte tunisien, où nous faisons parler un requin, le papier a touché plus de 50 000 personnes sur les réseaux sociaux ». L’objectif était de montrer l’importance de l’animal dans la chaîne alimentaire. Les sujets évoqués par la rédaction sont parfois sensibles : pêche illégale, gaz de schiste. Malgré ça, l’équipe bénéficie d’un soutien et de commentaires positifs, même si Mayssa Sandli reconnaît « qu’il n’est pas toujours facile d’obtenir les études d’impact en Tunisie ».
Mayssa Sandli compte poursuivre le processus de labellisation de Blue TN par la Journalism Trust Initiative. La JTI, portée par Reporters sans frontières, accorde une certification aux médias respectant des pratiques journalistiques éthiques. L’activiste va bientôt reprendre la route ou plutôt retourner explorer les eaux malmenées des océans pour réaliser de nouveaux documentaires. Et montrer ainsi partout, l’urgence climatique.
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