Les sources des désordres informationnels sont au centre de l’attention de tout un champ de recherche, et la sensibilité du sujet l’expose parfois à des attaques. Invité d’ODIL le podcast, le chercheur français Maxime Audinet travaille sur les opérations d’influence informationnelle de la Russie, notamment en Afrique francophone.
Maxime Audinet, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire et cofondateur du collectif de recherche Coruscant, fait partie des experts francophones sur les acteurs de la désinformation, qu’il définit comme « la diffusion intentionnelle d’informations falsifiées ». Son travail porte sur « l’écosystème d’influence de la Russie » et sur les narratifs qu’il diffuse dans le monde.
L’Afrique francophone est une cible privilégiée. Selon Maxime Audinet, « la Russie, depuis la fin des années 2010, a considérablement renforcé sa présence en Afrique subsaharienne, […] notamment à travers l’expansion du groupe de mercenaires Wagner ». Elle s’appuie notamment sur des acteurs médiatiques (comme la chaîne de télévision Russia Today et l’agence de presse Sputnik). Mais le numérique n’est pas le seul espace mobilisé : le Kremlin a aussi mis en place des instituts culturels et des partenariats entre universités, en plus de chercher à investir les médias locaux et notamment la radio.
Faire la cartographie de la désinformation russe n’est pas sans conséquences pour les chercheurs. En 2022, RT France (interdite dans l’Union européenne depuis) a porté plainte en diffamation contre Maxime Audinet et son éditeur après la parution de son essai Russia Today (RT). Un média d’influence au service de l’État russe (INA, 2021). Cette action en justice relève de « ce qu’on appelle des procédures-bâillons ou en anglais SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation) […] c’est-à-dire une forme d’instrumentalisation du droit dans des démocraties libérales contre des personnes qui vont travailler sur des sujets sensibles », précise-t-il. Relaxé en 2025, Maxime Audinet observe que cette forme de pression psychologique et financière « touche de plus en plus des chercheurs ». Et s’il a été épaulé par sa tutelle de recherche, les chercheurs précaires ou du Sud global, plus exposés, peuvent être tentés de s’autocensurer pour échapper à ces procédures coûteuses.
Se pose alors la question de la protection des scientifiques. « Mon procès est aussi intervenu à un moment où il y a une prise de conscience de ce phénomène au sein de l’université française avec des initiatives qui se montent dans plusieurs universités pour mieux protéger les chercheurs », explique Maxime Audinet, qui cite également la directive anti-SLAPP de l’Union européenne adoptée en 2024. Des mesures de soutien pourraient aussi être mises en place comme « des coopérations de recherche, des financements de projets internationaux, l’accueil de journalistes et de chercheurs qui travaillent sur ce phénomène ». Des initiatives d’autant plus importantes que le travail de ces chercheurs connaît un regain d’intérêt dans les milieux académiques, journalistiques et politiques.
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