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La précarité financière, un défi de tous les instants pour les médias centrafricains

En Centrafrique comme dans le monde, les rédactions sont de plus en plus confrontées à une réduction de leurs moyens financiers, ce qui bouleverse leur organisation et leurs pratiques. La vérificatrice de faits Britney Ngalingbo, cofondatrice de Centrafrique Check, était l’invitée d’ODIL Le Podcast pour échanger sur ce sujet.

Dans son dernier rapport sur la liberté de la presse, l’ONG Reporters sans frontières dresse un constat alarmant : les pressions économiques sur les rédactions ont atteint un niveau critique, rendant leur situation « difficile » à l’échelle du monde. En République centrafricaine, les médias locaux, déjà fragilisés par la troisième guerre civile en 2013, sont confrontés au coup d’arrêt imposé en 2025 par l’administration Trump à l’Agence américaine pour le développement international (USAID). Ils doivent donc revoir leurs ambitions à la baisse, comme cela a été le cas pour le média de vérification des faits Centrafrique Check. Invitée d’ODIL Le Podcast, sa cofondatrice Britney Ngalingbo rappelle d’abord que « le métier de vérification des faits est relativement récent » et que « malgré son rôle, il reste très précaire »

Selon elle, la suspension de l’USAID « a entraîné des difficultés majeures pour notre organisation, c’est-à-dire la réduction des activités, des retards dans la publication des rapports de vérification des faits et aussi une instabilité pour le personnel. […] Certains journalistes qui travaillaient pour Centrafrique Check ont dû quitter leur poste faute de financement ». Des projets avec la fondation américaine NED (National Endowment for Democracy) et l’ONG Internews n’ont jamais pu voir le jour. 

Rechercher des financements tout en préservant son éthique

Pour Britney Ngalingbo, la précarité financière « est un problème qu’on ne peut pas réduire totalement, parce que souvent les organisations spécialisées dans le fact checking travaillent à but non lucratif et dépendent des financements extérieurs ». Cette dépendance peut représenter un risque du point de vue déontologique, au moment où des rédacteurs locaux sont recrutés par des acteurs étrangers à des fins de propagande. 

En novembre 2024, l’ONG française Forbidden Stories publiait le témoignage d’un journaliste centrafricain devenu propagandiste au service d’un organisme d’influence russe. Il a diffusé de la désinformation pour un revenu bien plus élevé que le salaire mensuel en Centrafrique, avant de parvenir à s’enfuir. Des dizaines de confrères seraient dans la même situation en Afrique. « Pour ne pas tomber dans ce piège ou pour résister à cette pression-là, il est nécessaire que les organisations puissent développer des activités génératrices de revenus comme des formations en journalisme, des formations de fact checking, en gestion de rumeurs ou bien en communication digitale », explique Britney Ngalingbo, « tout en refusant tout financement venant des politiciens ou bien des organisations politiques ». Maintenir cette éthique de travail devient essentiel pour « préserver son indépendance éditoriale », tout en adoptant une stratégie vertueuse via des partenariats « avec des organisations locales et internationales indépendantes afin de permettre la mutualisation des ressources, d’assurer la continuité des publications et aussi d’accroître la visibilité pour attirer des nouveaux soutiens financiers ».

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