Entretien

Elisée Kouakou, des Bénévoles de l’EMI

Un entretien enregistré le 06 septembre 2021, publié le lundi 4 octobre 2021

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Créée à la suite d’une formation d’éducations aux médias et à l’information, Les Bénévoles de l’EMI est aujourd’hui une association regroupant près de 400 membres. Destinée en premier lieu aux jeunes d’Abidjan, cette initiative étoffe son public et son champs d’action de jour en jour.

Repérer les fausses informations et les vérifier, sensibiliser aux lois existantes, former à la cybersécurité : trois axes de travail de l’association Les Bénévoles de l’EMI. Une initiative reçue favorablement par le public visé qui témoigne, selon Elisée Kouakou, fondateur de l’association, d’un véritable besoin de formation en la matière.

D’abord axée sur Abidjan, les Bénévoles de l’EMI n’a pas tardé à s’étendre pour aller dispenser des formations dans d’autres villes et territoires de Côte d’Ivoire. Le besoin en éducation aux médias et à l’information s’y montre plus prégnant que dans la capitale. Elisée Kouakou explique que même si une partie de la population ivoirienne est analphabète, cela ne l’empêche pas d’utiliser les réseaux sociaux, donc de se faire spectateur voire relais de fausses informations. Avec un taux d’analphabétisation plus important dans les zones rurales, Les Bénévoles de l’EMI ont dû avoir recours à des techniques variées pour faire passer leur message. Ils travaillent ainsi sur différents supports, notamment de la vidéo, et mettent surtout l’accent sur les langues vernaculaires : le malinké, le baoulé, le guéré … Ce qui a permis de faire des personnes formées de nouveaux piliers de diffusion de l’éducation aux médias et à l’information.

Les Bénévoles de l’EMI entament leur nouveau projet, l’EMI tour : ils partent faire le tour de la Côte d’Ivoire pour former les jeunes générations, en partenariat avec l’Unesco et avec l’accompagnement du ministère de la jeunesse et de l’emploi ivoirien. L’initiative espèrent s’agrandir pour continuer à disséminer l’EMI au plus grand nombre.


Entretien

Nelly : Nous accueillons Élisée Kouakou qui fait partie des bénévoles de l’éducation aux médias et à l’information. Les Bénévoles de l’EMI est une association ivoirienne créée à la suite d’une formation reçue avec le bureau Unesco Abidjan et qui fait donc de l’éducation aux médias. Est-ce que est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous vous êtes constitués en association à la suite de cette formation reçue, qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ça ?

Élisée : Je faisais partie d’une organisation de jeunes, j’ai participé gratuitement à la formation, et j’ai vu que c’était bien parce que je découvre quelque chose de nouveau. Je ne savais même pas comment vérifier l’information et je ne savais même pas que ça existait. Disons que j’étais quelqu’un qui diffusait les fake-news avant. À la sortie de cette formation, j’ai vu que ça pouvait aider, d’abord moi ça m’a aidé, et j’ai compris que ça pouvait aider ma communauté.

C’est ainsi que j’ai approché tous ceux avec qui nous avons fait la formation. Il faut que je précise que nous étions la première promotion ; je les ai approché et je leur ai dit « on a reçu quelque chose gratuitement. Et si on se mettait ensemble pour former un groupe pour donner, pour restituer ça gratuitement à la jeunesse ivoirienne? » 

Extrait de l’article de Libération «Côte-d’Ivoire : l’outrage à la tombe de DJ Arafat, signe d’une jeunesse déboussolé». Publié le 2/09/19, consulté le 2

Il faut se souvenir que avant cela on avait beaucoup de fake news. Il y avait un artiste ivoirien qu’il s’appelait DJ Arafat qui est décédé ; les fake-news ont pris tellement d’ampleur qu’il y a eu la profanation de sa tombe, c’était parce que la majorité la jeunesse n’est pas informée. On peut utiliser les réseaux sociaux, y voir de fausses informations et ça peut créer un trouble social. Si on les forme, si on leur passe l’information -parce que chez nous le gouvernement sanctionne plus que de former ou sensibiliser- puisque nous on a appris gratuitement, apportons cela aux jeunes. C’est pour ça.

L’idée est partie en décembre 2019 puis nous nous sommes constitués en association, nous avons mis en place les Bénévoles de l’Education aux Médias. Pourquoi bénévole ? Parce que nous avons voulu faire quelque chose de gratuit.

Guillaume : Vous avez été formé par l’Unesco et vous avez eu envie de faire quelque chose pour la collectivité. Quelle forme ça a pris et pourquoi vous êtes concentré sur l’éducation aux médias ?

Élisée : On s’est formé en association, on a mis des bases juridiques tout autour et on s’est constitué légalement. A partir de là on commencé à donner des formations dans les écoles, dans les lycées. C’est comme cela que ça a commencé. Après, il fallait encore aller à l’Unesco pour avoir plus de formation parce qu’on ne voulait pas former uniquement les étudiants ou les élèves mais l’ensemble de la jeunesse. Il fallait qu’on soit plus aguerris donc on a eu ce qu’on appelait du recyclage au niveau de l’Unesco.

Logo des Bénévoles de l'EMI

Nelly : Vous vous adressez majoritairement à des étudiants mais aussi à des jeunes. Et vous qui avez bénéficié de cette formation et qui maintenant est bénévole, qui vous êtes ? Est-ce que vous êtes des journalistes, est-ce que vous êtes des professionnels de l’information ou pas du tout ?

Élisée: Bon, moi je ne suis pas journaliste. Aujourd’hui, avec les bénévoles on a annoncé des journalistes parce qu’ils ont vu la cause, qui est noble et bonne, pour qu’ils nous recadrent un peu. On n’a pas fait de formation de journalisme, mais on a fait des formations sur la vérification de l’information, sur comment être outillé, sur l’éducation aux médias et à l’information … Mais j’avoue qu’il y a des journalistes qui ne savent même pas ce que c’est aussi, puisque c’est quand ces journalistes ont commencé à venir vers nous, que l’on a commencé à les former, qu’ils découvrent en disant « ah c’est quoi l’ami ? » et où on leur répond que, en temps normal, c’est eux qui devraient être les précurseurs. Il y a des journalistes qui ont été embauché. Moi je ne suis pas un journaliste mais je suis un passionné de l’EMI.

Je suis un entrepreneur mais je passe 80 % de mon temps dans les milieux de la formation et tout …

Guillaume : C’est intéressant ça, car on a déjà entendu que les journalistes avaient besoin de formation aussi quand on touchait à la désinformation. Ce qui a retenu mon attention, c’est que vous disiez au début de cette entretien « moi même je diffusais les fake-news avant d’être formé par l’Unesco ». C’est ce déclic que vous avez envie de créer chez les jeunes de votre génération, maintenant, dans votre pays en Côte d’Ivoire ? C’est de faire en sorte de dire « non attends regarde avant de publier quelque chose il faut réfléchir un peu » ?

Élisée : C’est bien cela avoir des citoyens, des jeunes responsables de ce qu’ils publient sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, comme on le disait, tout le monde est journaliste. En Afrique, contrairement à l’Europe, surtout en Côte d’Ivoire, l’éducation aux médias c’est quelque chose de nouveau. Les gens ne maîtrisent pas. Tout le monde vient sur les réseaux sociaux et tout ce qui est sur les réseaux sociaux, pour eux, tout est vrai.

Nelly : Aujourd’hui combien de personnes ont bénéficié de votre formation ?

Élisée : Le nombre de bénévoles que nous avons formé sur la plateforme doit valoir 500. On a formé plus de 20 groupes d’association de jeunesse. En ce moment le projet phare que nous sommes en train de faire, qui a vraiment l’appui du gouvernement de notre pays et de l’Unesco, c’est le projet EMI tour. On va faire le tour de la Côte d’Ivoire pour former les jeunes, dieu merci, grâce à ce qu’on a commencé depuis 2019, grâce a l’Unesco qui est notre partenaire et notre conseiller. On a pu avoir la caution du gouvernement, du ministère de la jeunesse et de l’emploi qui va nous accompagner. C’est une joie pour moi aujourd’hui de voir cela.

En terme de personnes formées je dirais à peu près 500, et les 20 associations : ils viennent par lot de 20 pour qu’on les forme. On a fait des tournées dans des écoles catholiques. Il y avait une structure qui existait que l’on appelait les jeunes blogueurs qui ont appris brièvement l’éducation aux médias, mais je vous promets que la majorité de la formation qui est solide, qui a été reçue, c’est avec nous. Plein sont allés se faire former c’est là-bas que l’on fait l’éducation aux médias puisque nous on a eu la chance d’avoir une formation approfondie avec le bureau de l’Unesco

Les Bénévoles de l'EMI

Guillaume : Quel âge ont ces jeunes ivoiriens que vous formez et comment ils réagissent lorsque que vous venez les voir ?

Élisée : L’âge varie entre de 14 ans jusqu’à 35 ans. Mais tout dernièrement je me rappelle au lancement de l’EMI Tour, il y a eu des personnes très âgées, la quarantaine, 50 ans qui m’ont approchée et m’ont dit « voilà ce que vous faites c’est bon, nous aussi on veut être formés » J’étais content de voir ces personnes là venir. Ils sont très très très contents d’être formés. Après, ils veulent qu’il y ait mensuellement des activités mais mensuellement on ne peut pas l’assurer puisqu’on est pas financés. On est des bénévoles, on le fait sur fonds propres donc on peut pas faire les activités … Si tu fais une activité il faut prévoir un petit cocktail tout ça etc. L’Unesco nous donne l’espace, quand on les reçoit, ils passent la journée.

Nelly : Vous avez commencé à Abidjan vous faites maintenant l’EMI Tour …Il me semble avoir vu que vous faisiez vos formations en français mais aussi dans les langues vernaculaires c’est ça, vous vous exprimez dans plusieurs langues ?

Logo de WhatsApp

Élisée : C’est ça. On a des capsules vidéos qu’on fait en malinké, qui est une langue parlée ici ; le baoulé, le guéré … En fait pourquoi on fait ça ?

Parce que la majorité de la population ivoirienne est analphabète. Il faut reconnaître que, en même temps qu’elle est analphabète, elle utilise beaucoup les portables. Du coup sur WhatsApp il y a des fake-news qui circulent là-bas donc on fait souvent ses petites capsules vidéo pour sensibiliser ça dans les langues. Quand on va dans les régions, le malinké est vraiment parlé partout. Même si tu n’es pas malinké, la majorité de la population parle un peu malinké donc l’information passe. Moi-même ça m’a étonné : il y a le maire d’une région qui m’a appelé pour me dire merci, me féliciter car ça, lui-même peut s’en servir pour diffuser auprès de sa population donc j’étais ravi quoi

Guillaume : Donc ça prend plusieurs formes : vous faites des capsules vidéo vous fabriquez des contenus de formation que l’on peut consommer quand on veut sans que l’on ai besoin de se déplacer et sur place aussi pour faire des sessions plus interactives où vous présentez des choses. Quel est le contenu des formations sur quoi vous essayez de sensibiliser le plus les publics que vous allez voir ?

Élisée : Quand c’est une cible alphabétisées on parle de l’EMI dans le global. On parle du fait que tout ce que je vois sur Internet n’est pas forcément vrai. On essaye de décortiquer les droits et limites de ce qu’ils peuvent publier sur les réseaux sociaux car bon nombre de personnes ne sont même pas informés qu’il y a une loi sur la cybercriminalité ici en Côte d’Ivoire. Vu la nouvelle loi qui est là, tu peux dire ce que tu veux, mais attention à la est limite. Voici ce que l’État a dit «si tu fais tant, tant tant voici la sanction» et attention. On les informe sur les lois qui régissent la cybercriminalité, comment vérifier les informations lorsqu’ils en voient une. Pour ceux qui n’ont pas le temps ils peuvent nous faire parvenir sur notre boîte mail ou sur notre WhatsApp. On les forme sur les outils de vérification, l’EMI et tout ça. 

Nelly : Votre formation s’appelle les bénévoles de l’EMI donc vous n’êtes a priori pas rémunérés. Est-ce que vous avez quand même des sources de financement qui vous permettent de vous déplacer, de construire vos formations, et de vous former vous-même justement ?

Élisée : Des sources de financement, non. Quand c’est comme ça on est obligé d’adapter un projet. Par exemple je ne sais pas si l’on fait dans un projet dans la commune de Bassam, on va former les jeunes de là-bas. On va être obligé de rencontrer les autorités de là-bas et de leur expliquer le bienfondé du projet. Si le projet leur convient, ils nous appuient pour juste faire la formation mais sinon à la base la formation est gratuite. Sinon on doit quitter Abidjan pour aller à plus de 500km, c’est les transports, c’est l’hébergement, la consommation Internet donc nous ce sont ces trucs de base que nous sollicitons. Mais on pense que grâce à Dieu on aura des financements un jour pour mieux aller encore plus.

Guillaume : alors aujourd’hui c’est qui les Bénévoles de l’EMI, vous êtes combien ?

Élisée : Quand je regarde la base de données on doit être 400 et quelques. Si on fait une formation aujourd’hui avec l’EMI tour que nous avons fait, le chiffre va augmenter. Dans notre base de données, on peut voir ce que chaque jeune fait. Sur les vidéos, ce sont les bénévoles qui font les vidéos. Quand tu es expert dans ton domaine et que tu es membre bénévole, on utilise cela à bon escient pour l’association. Certains me disent comme ça « moi je voudrais être journaliste d’investigation plus tard je lui ai dit « C’est déjà bon si tu fais du fact-checking et que tu as cette passion » 

Guillaume : Ca doit être difficile à gérer vous avez 400 membres bénévoles comment vous faites pour maintenir la qualité des formations, pour être sûr que ce soit bien fait ? À 400 c’est plus difficile qu’à 10 … 

Élisée : oui à 400 c’est plus difficile. Déjà on a le groupe WhatsApp qui est notre outil d’échange. Quand il y a des formations, on fait des formations de l’ordre de 25 personnes. Il y a une Commission, la Commission nationale de l’UNESCO, on annonce les formations et on sélectionne 25 qui viennent. Tous les 400 sont des gens qui ont été déjà formés. Et on leur dit toujours, quand on a finit de les former, que ce que nous souhaitons c’est qu’ils fassent un retour, une restitution auprès de leur communauté là où ils sont. Donc en fait les 400 dont je parle, ils ont été formé par lot de 20, 25 … et c’est tout ça qui forment déjà notre base. On fait des contenus on prend par lot et puis on forme.

Par exemple si on va à Yopougon, on forme 25 jeunes et on leur demande ceux qui veulent faire partie des bénévoles et de façon volontaire ils s’y inscrivent. On avait un projet qu’on appelait « Chasseur de fake news » où chaque semaine on récoltait les fake news. C’est ces bénévoles qui vont les récolter pour nous et ensemble on faisait la vérification. Ca permettait d’avoir la meilleure formation possible. Aujourd’hui moi je suis content parce que la désinformation, quand ils donnent la fake news, ils donnent l’information vraie à côté. Ca, ça me rassure, ça me réjouit.

Nelly : Vous parliez de WhatsApp, de support vidéo … à 400 personnes j’imagine que l’organisation doit être assez chargée .. Quels outils vous utilisez pour vous organiser entre vous ou pour dispenser vos formations?

Élisée : On a un groupe WhatsApp des Bénévoles de l’EMI. Lors de ces formations là, comme je le disais, avant même qu’ils ne viennent sur le groupe WhatsApp, ils ont reçu les formations en présentiel où on a eu à utiliser les outils de vérification comme Google image, InVid … On leur apprend à utiliser InVid, on leur montre des techniques pour pouvoir aller sur la première formation.  On leur montre YouTube data viewer pour les vidéos tout ça et on leur montre aussi comment utiliser.

On a structuré ça par village. Il y a le village des fakenews parce qu’il y a plusieurs groupes WhatsApp. Il y a le groupe central des bénévoles mais dans chaque groupe, on a vu que comme nous sommes nombreux, tout le monde ne va pas comprendre. Donc on a fait par village : il y a le village cybersécurité, le village EMI news, plusieurs villages … Chaque village est censé, par le chef du village, envoyer les fake-news de la semaine. Il traite et il nous envoie. Lorsqu’il nous envoie nous on prend ça et on vérifie aussi parce que souvent ils peuvent faire des erreurs. Chaque fois, ce qu’on dit c’est que le plus important n’est pas de vérifier, d’être le premier à vérifier que telle chose est vraie ou telle chose est fausse. Même si ça prend des années l’essentiel c’est que tu as vérifié parce que même si tu n’as pas vérifié rapidement, c’est toi-même qui a fait la vérification de la fake-news donc maintenant tu seras plus crédible.

Guillaume : C’est intéressant puisque plutôt que de perdre la motivation des gens vous faites des groupes spécialisés où on va parler en jargon etc. mais quand on arrive à une conclusion, cette conclusion va être partagé à l’ensemble de la communauté sur WhatsApp ?

Élisée : Comme ça que ça se passe c’est comme ça que nous travaillons

Guillaume : Quel est le plus grand défi auquel vous avez eu à faire face ? Puisque si je vous entends bien vous êtes l’une des premières initiatives en Côte d’Ivoire, d’éducation aux médias, quand on voit les gens que vous rencontrez qui apprennent ce que c’est littéralement quand vous venez … C’est donc que c’est assez récent comme exercice. Mais est-ce que vous avez été intimidés par la tâche lorsque vous arrivez dans des endroits un peu éloignés d’Abidjan où vous vous rendez compte que les gens croient absolument tout ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux ?

Élisée: Oui oui. Par exemple, on était parti à un programme, puisque bien souvent l’Unesco a des programmes hors d’Abidjan. Dans ce cas, automatiquement c’est nous, les bénévoles, qui faisons la partie EMI formation. Quand on arrive comme ça, le défi c’est que la population est déconnectée de tout. Tu sens qu’il y a un fossé large entre Abidjan et les autres, ils prennent tout pour parole d’évangile. Si tu déconstruit ça, c’est vraiment un challenge. Après c’est quand tu as des images, qu’ils ont vues et tu leur dis « mais ça ça découlait de telle information, il y a eu de telles crises », tu leur dis « voilà voici la vraie information » Et quand tu leur montre ils sont tout étonnés. Après c’est ce qui les emmène à réfléchir un peu plus et qui leur montre qu’il faut faire un peu plus attention. Il n’y a pas internet partout à l’intérieur et du coup c’est compliqué car il y a des villes dans lesquelles tu arrives, le courant n’est pas là, du coup tu es obligé de démontrer avec des images, de montrer des photos. Et après si il n’y a pas de courant, on utilise les images ou on fait avec les capsules vidéo qu’on a sur un portable, on prend les portables et on fait circuler. Quand ils ont ça, ils comprennent très vite puisque c’est en langue (locale) et ça passe. L’objectif nous à l’intérieur surtout avec la population analphabètes, c’est de les emmener à faire plus attention, à ne pas croire à tous ce qu’ils voient parce que eux directement ils ne peuvent pas vérifier

Guillaume : De casser le relais aussi faire en sorte qu’ils ne republient pas et qu’ils ne partagent pas

Élisée : C’est ça. Quand c’est le cas on prend celui qui lettré, qui est alphabète, comme le point relais de la ville. C’est un défi pour nous aussi de réanimer les communautés qui sont hors du pays, qui sont hors d’Abidjan puisqu’on intervient beaucoup plus à Abidjan. Souvent à l’intérieur les gens nous disent « ah mais il n’y a pas d’activité pour nous, vous nous oubliez » ça c’est un défi pour nous. Voilà l’EMI tour vient quand même pour pallier un peu à cela mais une fois que c’est fini, c’est fini on rentre et on se concentre sur Abidjan.

Nelly : Vous avez votre projet l’EMI tour qui est votre projet de cette année vous aviez le projet l’année dernière de « chasseurs de fake-news » qu’est-ce que c’est le projet de l’année prochaine des bénévoles de l’EMI ? Où est-ce que vous en serez dans un an ? 

Élisée : Finissons d’abord avec cet EMI tour, parce que dans un an je pense que ça va grandir. Je ne sais pas encore mais je pense bien qu’à partir de l’EMI tour, on aura plus de visibilité pour voir ce qu’il faut faire.

Nelly : Avoir plus de bénévoles, plus de visibilité et peut-être un peu plus de financement aussi ?

Élisée : Oui, avoir plus de financement et être plus actifs, ne pas oublier ceux de l’intérieur parce que moi c’est qui quelque chose qui me fait mal aussi. Tout est concentré sur Abidjan et du coup … c’est important parce que tout part d’Abidjan aussi.Tout le buzz part de Abidjan et donc on s’est dit aussi si on réussi à contrôler un peu plus Abidjan on contrôle… Après on a en vue de faire aussi plus avec les journalistes parce que eux ils sont très importants dans notre cible puisque la majorité ne sont pas formés.

Hier j’ai échangé avec un journaliste qui me disait que ses collègues ne savent pas beaucoup ce que c’est l’EMI, ils ne savent rien. Ici le journaliste quand il est du parti bleu, il écrit bleu ; quand il est du parti rouge, il écrit rouge et du coup c’est un peu compliqué pour le lecteur de pouvoir faire la part des choses. Vraiment l’année prochaine ce sera plus des journalistes. 

Guillaume : En tout cas, ce que l’on retient, c’est que l’on a pas besoin d’être lettrés pour être susceptible à la désinformation et que vous allez sur place même si c’est à 500km d’Abidjan pour aller faire le travail de terrain, expliquer avec patience ce qui fonctionne finalement dans les langues des populations locales avec les ressources en images et en vidéo que vous avez. 

Nelly : Oui c’est aussi une belle initiative qui montre aussi la diversité des langues que l’on peut avoir dans la Francophonie puisque la Francophonie en ce sens large c’est pas juste le français c’est aussi les langues locales. C’est aussi pour ça que c’est important d’avoir ce genre initiative pour que tout le monde aie une bonne éducation aux médias et à l’information et puisse lutter à sa manière contre la désinformation.